La Démocratie participative, une gouvernance renouvelée

Publié le par Barack Baréma Bocoum

   La gouvernance peut être définie comme “ un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre des objectifs définis et discutés collectivement”.

Mode d’élaboration et de mise en œuvre de l’action publique sur la base d’un pouvoir partagé, elle renvoie à l’idée de légitimité négociée et non instituée. Ne pouvant être réduite à une technique de gestion, la gouvernance  ne se substitue pas à la notion de gouvernement, liée à celle d’institution et de pouvoir politique.

  La démocratie participative s'inscrit dans cette définition de la gouvernance, à quelque niveau que ce soit. Cependant, cette expression semble relever du pléonasme. En effet, tout régime démocratique se doit d'être fondé sur la souveraineté populaire(en France, art.10 de la constitution). Il doit permettre la mise en  œuvre des droits politiques et du droit de contrôle  de l'administration  fondant l'exercice d'un contre pouvoir ou d'un contrôle du pouvoir.Mais l'exercice de la démocratie réduit à la seule expression des suffrages entraîne son épuisement, constaté à tous les niveaux d'exercice du pouvoir.

La démocratie participative est sous-tendue par une conception plus exigeante, plus active de la démocratie. Elle est  fondée sur l'idée qu'aujourd'hui, la légitimité d'une décision ne repose pas seulement sur la nature de l'autorité de celui qui la prend mais aussi sur la procédure qui permet de produire cette décision.

Enracinée dans un territoire lisible par les individus et les groupes, elle a un but précis : en renforçant les liens entre les élus, les techniciens et les habitants, elle vise à créer une capacité collective de diagnostic sur les ressources et les manques, énoncer les atouts à valoriser et les faiblesses à corriger  quant au territoire comme dans le fonctionnement des institutions. Elle a vocation à proposer des changements pour une meilleure efficacité des méthodes et une réelle efficience des moyens. Ainsi, les  citoyens formés et informés  disposent d'un pouvoir co-décisionnel dans une instance légitimée par le pouvoir décisionnel  au travers de processus institués.

Les dispositifs doivent  s’appuyer sur des règles claires et impliquer une qualité délibérative forte (information, examen commun et approfondi des questions) . L’autonomie de la société civile doit être encouragée à travers une volonté politique clairement  engagée en ce sens mais aussi grâce à des garanties procédurales et à l’existence d’un réseau associatif fortement mobilisé.

Au système “descendant “de gestion traditionnelle de l'action publique , elle substitue un autre modèle “ascendant “ fondé sur l'expertise des citoyens. Ouvrant des espaces à tous les groupes sociaux, elle les fait passer d'un rôle d'interpellateur à celui de porteur de projet et d'évaluateur de leur propre action à l'aune de l'intérêt général.

La démocratie est ainsi à  redéfinir en permanence en fonction  du contexte spécifique: période,  territoire, rapports sociaux culturels, économiques et politiques.

La démocratie participative est non seulement un idéal politique moderne, mais aussi un modèle performant. Plus les citoyens sont en capacité de s’exprimer et de délibérer sur le devenir de la cité, plus cette communauté est en capacité d’agir pour ses fins. Elle produit des effets redistributifs importants. Son institutionnalisation constitue un élément moteur dans la modernisation de l’administration en favorisant sa réactivité et sa responsabilisation, modernisation rejaillissant sur l'efficacité gestionnaire de la participation citoyenne.

Dans toute politique publique locale, l'établissement du budget constitue  la pierre d'angle. Ouvrir son élaboration  à un processus participatif est une voie exigeante et mobilisatrice à forte valeur démocratique ajoutée. Néanmoins, sa mise en place est un dispositif lourd, complexe, nécessitant pédagogie animation de groupes, rigueur et constance dans la démarche .  

 

L'exemple de Montréal, arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville et de Plateau-Mont-Royal

Afin de développer une vision intégrée du territoire et de sa population par la mise en place d'une  planification participative, le règlement de la régie interne de l'arrondissement a été modifié pour permettre la  création d' institutions adaptées

Les jurys citoyens

Les jurys citoyens ( encore appelés panels ou conférences de citoyens) sont généralement composés d'une quinzaine de personnes désignées au hasard par tirage au sort de façon à  assurer l’ouverture du processus à tous les citoyens et, à long terme, statistiquement,  la neutralité des recommandations et des jugements qu’il porte.Dans ces quartiers de Montréal, la prise de décision est à la majorité qualifiée de 9 membres sur  15.  La durée du mandat d’un juré est d’un an . Aucun élu ou fonctionnaire ne peut être membre du jury. Les séances sont animées par un gestionnaire , fonctionnaire de l’arrondissement, qui assure la coordination et agit en tant que médiateur entre le jury et les résidents de l’arrondissement.

Mandats

Le premier mandat du jury est d'auditionner les résidents:  associations, entreprises, professionnels ou membres du jury , de sélectionner,  parmi leurs propositions, des projets qui visent à améliorer la qualité de vie dans l’arrondissement pour y affecter un budget spécial en relation avec le budget participatif.

Un second mandat consiste à participer au processus de sélection des hauts fonctionnaires de l’arrondissement, et ce, en collaboration avec la Commission de la fonction publique pour s’assurer que la nomination des hauts fonctionnaires soit non partisane et axée sur la compétence. Le résultat de l'entrevue des candidats avec le jury et les recommandations sont rendus publiques.

Le troisième mandat pour le jury citoyen est l'organisation, avec l'aide des fonctionnaires de l’arron­dissement, d'un forum de citoyens sur les enjeux de l’arrondissement. Ce forum d’une journée se tient une fois par an, à la suite de la constitution du jury. Les citoyens font part de leurs préoccupations sur tous les aspect de la vie urbaine: sécurité, transport, vie communautaire, aménagement, environnement, etc.

Les interventions regroupées par thème permettent d' identifier les principaux enjeux et de formuler des recommandations qui sont déposées au Conseil. Ces recommandations peuvent être de diverses natures (réglementaires, budgétaires, environnementales, sociales, économiques, etc.) et peuvent dépasser le cadre de juridiction de l’arrondissement, puisque les membre du conseil d’arron­dissement siègent également au conseil municipal et au conseil d’agglomération.

Autres mandats

Le jury citoyen doit également siéger lors de l’élaboration du budget annuel et de ses modifications, lors de la présentation du plan triennal d’immobilisation et en amont des prises de décisions qui provo­quent des emprunts, des dépassements de coûts ou des immobilisations de plus de 500 000 dollars. À tout moment, il présente ses recommandations de façon publique.

Le budget participatif

La popularité du budget participatif de Porto Alegre a fait de ce mécanisme de participation publique l’un des plus discutés ces dernières années. A Montréal, l’arrondissement Plateau-Mont-Royal pratique le budget partici­patif depuis quelques années. Ce processus démocratique se caractérise par sa souplesse et s’adapte aisément au contexte politique.

Objectifs

L’objectif du budget participatif est de permettre à la population de se prononcer sur une part du budget d’immobilisation. Basé sur  l’implication des forces vives du milieu il nécessite la création d' une structure visant à regrouper un maximum de citoyens et d’organismes.

Fonctionnement

Dans ces quartiers de Montréal, le fonctionnement s’articule selon quatre niveaux :

- Premier niveau : le quartier :  Le budget participatif débute au niveau de chaque quartier (district ou sous-district), à l’intérieur duquel se réunissent des citoyens et des représentants d’organismes et d'associations dans le but de discuter des prio­rités budgétaires locales.

- Second niveau : l'arrondissement  :  Les porte-parole de chaque quartier se rencontrent ensuite et discutent des projets. Les projets de tout l’arrondissement sont hiérarchisés et ordonnés par quartier et par thème. Une réunion thématique avec les fonctionnaires et les représentants syndicaux de l’arrondissement a alors lieu dans le but de définir le contexte réglementaire et la faisabilité des projets choisis.

- Troisième niveau  :   le Conseil du budget participatif, composé des membres du jury  citoyen écoute la présentation des différents projets choisis et vote sur le ou les projets qui seront transmis au Conseil d’arrondissement pour que l’enveloppe budgétaire prévue y soit allouée.

Dans le but d’élargir la portée démocratique du budget, on peut soumettre les projets prioritaires au vote des citoyens de tout l’arrondissement, ou du district concerné, avant de le faire adopter par le jury. Les citoyens sont alors appelés, en personne au bureau d’”Accès Montréal “de l’arrondissement ou par l’intermédiaire d’un site web sécurisé, à numéroter par ordre de préférence les projets qu’ils jugent prioritaires et qui, selon eux, feront le plus en sorte d’améliorer la qualité de vie dans leur quartier.

Les nouvelles technologies de l'information offrent un instrument puissant pour soutenir la démocratie et plus spécialement la démocratie participative

Accès à l’information

Obligation est faite

-de rendre disponible au bureau d’ »Accès Montréal » et sur le site web de la Ville  les documents relatifs à la délégation de pouvoir, aux bons de commande et aux autres dépenses, les rapports des études commandées par l’arrondissement, les appels d’offres et les résultats d’analyses menant à la sélection des soumissionnaires.

- d'assurer le caractère public de tous les comités ou réunions décisionnelles de l’arrondissement,  les publications à l'avance  des dates, heures, lieux et ordres du jour des rencontres

Réglementation de la consultation publique

Sont organisés

-  un forum citoyen sur les enjeux de l’arrondissement à la suite duquel est déposé un rapport d’orientation et de mise en oeuvre des actions proposées.

- des consultations préparatoires au plan triennal d’immobilisation et aux orientations budgétaires.

Tout doit être mis en œuvre de façon à permettre aux citoyens de déposer des avis de motion, à condition que ceux-ci obtiennent un nombre minimal de signatures à cet effet.

Contrôle de la mise en oeuvre de la réforme des processus démocratiques

Une autorité compétente : l’ombudsman de la Ville de Montréal est chargé de s'assurer de la mise en oeuvre de la réforme démocratique de l’arrondissement.

La volonté politique est déterminante pour la viabilité d’un tel processus qui nécessite par ailleurs des moyens adéquats en formation et ressources  ainsi qu’une décentralisation effective avec  des structures locales fortes, intégrées dans des dispositifs institutionnels et législatifs aux différents  niveaux de fonctionnement.

“C'est des pouvoirs et de leurs entrelacements qu'il s'agit”.

Mastère : Gouvernance et Politiques de développement,

Solange Maillet

Publié dans EUROPE

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