LES ENJEUX DU PETROLE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Publié le par Baréma Bocoum

L’Afrique subsaharienne revêt un caractère singulier, tout comme chaque pays qui la compose.

Les logiques qui imprègnent chaque Etat peuvent être décrites et étudiées, mais leur évolution ne peut être prévue en aucun cas de manière certaine. Dans ce mémoire, nous avons tenté de retranscrire l’histoire propre de chaque Etat étudié, en y incluant un arrière-fond pétrolier. Le constat paraît sensiblement le même dans tous ces cas : cette ressource intervient, d’une manière ou d’une autre et avec un impact plus ou moins important, dans la grande majorité des situations considérées. Ce qui est sûr, c’est que le pétrole conserve sa place au sein des relations internationales, et l’Afrique subsaharienne n’y échappe pas.

 

En revanche, et il s’agit de la question à laquelle ce mémoire avait pour but de tenter de répondre, il paraît moins sûr que l’Afrique subsaharienne constitue un eldorado pétrolier. Nous l’avons vu, le continent ne manque pas de ressources, de nouveaux gisements sont découverts tous les jours, en particulier grâce à l’off-shore dans le Delta du Niger, et il semblerait que cette dynamique puisse continuer encore un certain temps. Les pays pétroliers africains disposent d’une production intéressante, et non négligeable dans le contexte actuel. De même leurs réserves sont à prendre en considération. Tous ces facteurs attirent une foule d’investisseurs, et suscite l’intérêt des plus grandes puissances à l’heure actuelle.

Malgré tous ces éléments, la place de l’Afrique subsaharienne au sein de la scène pétrolière mondiale doit être relativisée. Cette portion du continent africain ne dispose pas de ressources, et encore moins de gisements de taille, spectaculaires, à l’image du Koweït ou de pays du Golfe arabo-persique. Ainsi dans le contexte de diminution de la production actuelle, l’Afrique subsaharienne apparaît plutôt comme une opportunité très intéressante pour les compagnies pétrolières, chargées d’assurer la diversification des approvisionnements des différentes puissances mondiales, traditionnelles ou émergentes. Cependant une opportunité comportant des risques, qui doivent être repérés, étudiés puis mesurés de manière à pouvoir en prévoir les conséquences en cas d’implantation d’une compagnie pétrolière. Car l’Afrique subsaharienne ne constitue pas un des continents les plus sûrs, et le pétrole ne fait qu’attiser les tensions, qu’elles soient entre Etats producteurs ou consommateurs, mais aussi au sein des Etats eux-mêmes en raison des multiples dérives liées à la rente. C’est aussi pour ces raisons que l’Afrique subsaharienne ne constitue pas forcément un eldorado. L’implantation de certaines compagnies pétrolières étrangères au Nigeria nous démontre de manière presque caricaturale les risques auxquelles ces sociétés doivent se préparer.

 

Cependant, s’il ne s’agit pas d’un eldorado, l’Afrique subsaharienne constitue pourtant un continent incontournable désormais. Toutes les puissances étrangères consommatrices de pétrole s’y intéressent. Ce n’est bien sûr pas, du moins officiellement, par pure philanthropie, bien au contraire. La proximité entre les compagnies pétrolières et leurs Etats historiques, qu’elles soient nationalisées ou privatisées, entraîne qu’elles agissent en concordance avec la politique énergétique mise en place par le pouvoir. Et ces sociétés tiennent leurs gouvernements informés de l’évolution des productions et réserves des différents Etats pétroliers. Ainsi les gouvernants en place connaissent, mieux que tout le monde, la réalité des statistiques officieusement cachées, et les conséquences qui en découlent. Ceci expliquerait, en partie, les guerres menées par la puissance américaine au Moyen-Orient. Mais l’Afrique subsaharienne constitue une région du monde à part, difficilement approchable et capable de rivaliser par ses caractéristiques complexes, avec les meilleures puissances. On pense ainsi aux multiples cas où les organisations internationales et gouvernements agissent en Afrique, et le taux d’échec. C’est pourquoi une approche pragmatique, officiellement pacifique et basée sur un usage dominant de la diplomatie est mise en pratique pour approcher les principaux Etats pétroliers. Le « soft power » a de beaux jours devant lui donc.

Et pourtant les enjeux sont conséquents. En effet si la production perd de son importance, comme cela se passe, et que l’on ne découvre pas de nombreux gisements de taille importante, la situation pourrait devenir catastrophique. En effet la demande augmente de jour en jour, et dans aucun pays d’importance relative, elle ne diminue. On court donc droit vers une raréfaction de cette ressource fossile, qui ne pourra pas être régénérée avant des siècles, si cela est possible du moins. Il ne s’agit donc plus, pour les Etats, de diversifier leurs approvisionnements, mais de les contrôler pour éviter que leurs concurrents ne le fassent à leur place. Il semblerait donc que l’on soit entré dans une nouvelle phase, le pétrole constituant peut-être un nouvel enjeu, pouvant aboutir à des guerres interétatiques d’ampleur. Le but en serait simple : parvenir à contrôler le maximum de ressources pour affirmer sa puissance. En soit cela se passe déjà à l’heure actuelle, mais aujourd’hui le contexte comprend ceci de nouveau : les Etats qui ne veulent pas s’écrouler doivent gérer et défendre leur pré carré. Soit l’inverse de l’attitude française à cette époque, mais ce que tentent de réaliser les Etats-Unis et la Chine à l’heure actuelle. Car ces deux puissances entretiennent une lutte indirecte sur le continent africain pour les ressources qui se trouvent dans son sous-sol, et ce combat paisible de géants ne fait que commencer.

Il se pourrait donc que des mécanismes complexes, imbriquant de nombreux éléments et réseaux, à l’image de la Françafrique, voient le jour dans les années à venir. Ceci permettrait bien évidemment de s’assurer un contrôle sur les zones productrices, sans pour autant devoir forcément stationner des armées entières sur les territoires des Etats producteurs alliés.

L’une des solutions consisterait donc à développer les énergies nouvelles, comme on commence à le faire à l’heure actuelle. Le seul problème, c’est que le pétrole ne constitue pas seulement un carburant, mais aussi et surtout un matériau que l’on retrouve dans presque tous les éléments de notre vie courante. Et ces énergies alternatives ne peuvent nous les fournir pour tous ces cas. Le pétrole représente donc, pour de longues années encore, un enjeu crucial pour un grand nombre d’Etats de par le monde.

 

            L’Afrique constitue un continent délaissé régulièrement par les puissances étrangères, qui se penchent à son chevet lorsque les médias se font trop insistants. Ou lorsque les intérêts, comme ceux de type pétroliers, se font sentir de manière cruciale. Il y a donc fort à parier, si l’Afrique subsaharienne ne parvient pas à se développer alors qu’elle dispose des ressources nécessaires, qu’elle retombe dans l’oubli général une fois les hydrocarbures du continent exploité. Pour éviter cela, chacun doit prendre ses responsabilités, et tout comme Jacques Chirac, nous lui souhaitons le meilleur, et le pensons sincèrement.

 

            « L’Afrique est une promesse, l’une des grandes promesses de ce siècle, pourvu que nous sachions lui tendre la main. Pourvu également que, dans nos relations avec elle, pays développés et entreprises, nous mettions enfin en adéquation nos propres actes avec le discours que nous lui tenons sur la bonne gouvernance.[1] »

 

Richard Mahe, étudiant en Relations internationales

Extrait de son mémoire de fin d'études portant sur "Les enjeux du pétrole en Afrique Subsaharienne"



[1] J. Chirac, Discours prononcé à l’occasion de la réunion des entreprises signataires du Pacte Mondial, 14 juin 2005, disponible à l’adresse suivante : http://www.ambafrance-uk.org/Discours-du-President-de-la.html

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<br /> <br /> Pour échapper à la malédiction des ressources pétrolières, les pays africains producteurs et leurs partenaires doivent promouvoir la transparence au niveau de la déclaration et de la gestion des<br /> revenus pétroliers. Cela passe par la réhabilitation d’un contrôle institutionnel efficace incitant les dirigeants à une gestion responsable et performante de la manne pétrolière. Analyse<br /> serieuse d'un docteur chercheur en économie du nom de Monsieur Hicham El Moussaouid..<br /> <br /> <br /> Par ailleurs deux pays africains, le Ghana et le Mali vont bientot rejoindre le club des pays africains producteurs de pétrole. Je dirai que la malédiction du pétrole en Afrique devrait faire<br /> l'objet d'une étude approfondie car aucun pays africain détenteur du pétrole n'a réussi à se développer, c'est abbérant. Vraiment<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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